[PERMACOMPTABILITE/BOITE A OUTILS]
Auteur : Charles Judes - Juillet 2021
La nécessaire pratique de la méta-vision au sein d'une gestion de projet à 8 formes de capitaux
La méta-vision est une vue qui embrasse ce qui est au-dessus, au-dessous, autour et à l'intérieur. Cela peut aussi être appelé « holistique ». L'holisme est caractérisé par la croyance que les parties de quelque chose sont intimement liés et ne s'expliquent que par référence au tout.
Il semble que le holisme n'ait pas trouvé sa place facilement dans le monde universitaire, cependant pour les cultures traditionnelles, il était intrinsèquement compris comme faisant partie du processus.
C'est en contraste avec l'approche réductionniste scientifique moderne que le holisme a vu un retour.
David Bohm, physicien lauréat d'un prix Nobel a écrit :
La fragmentation est maintenant très répandue non seulement dans toute la société, mais aussi dans chaque individu ; et cela conduit à une sorte de confusion générale de l'esprit, qui crée une série infinie de problèmes et d'interfaces avec notre clarté de perception au sérieux pour nous empêcher de pouvoir résoudre la plupart d'entre eux. (Bohm, D.;1980, p.1)
Que ce soit pour une organisation naissante ou pour une organisation déjà conçue, à visée régénérative, une étape intermédiaire au sein du processus de gestion de projet est appelé activation de la boussole 8K. Il s'agit du moment où le détachement des certitudes internes est suffisant pour permettre l'activation d'une méta-vision (et permettre alors d'optimiser équilibrages et rééquilibrages 8K individuels et collectifs, internes et externes).
En effet, la vision du monde chez chacun d'entre nous est composée d'un assemblage de représentations qui tirent leur origine de notre bagage culturel (famille, éducation, pays, langue,…), de nos expériences de vie, personnelles et professionnelles. Tout cela est présent ou totalement inconscient au quotidien.
Cette vision du monde a un effet sur nos relations aux autres et dans l'exercice de nos métiers, impactant alors directement notre gouvernance, et nos capacités de pilotage holistique.
Cette incidence influence, parfois négativement, la qualité des relations intérieures (collaborateurs) et extérieures (partenaires commerciaux) et vient alors atténuer le champ de force de l'ensemble organisationnel, ceci entrainant alors des polarités non neutres.
C'est dire à quel point prendre du recul par rapport aux situations et surtout par rapport à nous-mêmes est une donnée intangible dans le cœur du design en permacomptabilité.
Une vision de la démarche du permacomptable
S'agissant d'intervention dans le monde des Organisations, il est possible d'admettre le design en permacomptabilité comme une manière d'accompagner une personne dans l'exploration de ses capabilités écosystémiques visibles et invisibles (voir capabilités : Martha Nussbaum https://fr.wikipedia.org/wiki/Capabilit%C3%A9), à savoir sa capacité à résoudre les déséquilibres intérieurs/extérieurs envers les 8 capitaux (Capital Vivant, Capital Intellectuel, Capital Matériel, Capital Spirituel, Capital Culturel, Capital Social, Capital Financier, Capital Expérientiel).
Car celle-ci est normalement en lien avec d'autres personnes, comme son équipe d'appartenance, et plus largement avec l'Organisation tout entière dont il est porteur des finalités et de l'ambition. C'est dans cet ensemble que le permacomptable situe son intervention. Une entreprise régénérative intègre ainsi pleinement le niveau d'échelle individuel au sein du collectif.
La posture du permacomptable exige d'agir dans le neutre et de systématiquement recentrer les polarités.
Par exemple, la représentation d'un contexte au sein d'un collectif tient compte :
- des réalités individuelles (valeurs, émotions, besoins, croyances, vécu) ;
- du réel perçu par les sens qui structurent l'imaginaire et construisent les perceptions de façon
unique et exclusive ;
- du réel.
L'organisation et la consolidation de ces informations sensorielles et neurologiques par le permacomptable doit permettre de construire l'action et de générer des motivations pour agir sur le contexte désigné.
Il va s'agir pour le permacomptable, à partir de l'analyse des interactions, d'induire une transformation au cœur de la gestion de projet, en faisant appel au mode mental adaptatif * des individus au sein du collectif.
La position dite "Méta"
Cette posture du permacomptable doit prendre appui sur une position Méta, c'est-à-dire une capacité à communiquer sur la façon dont on communique, sur ce qui se passe dans la relation de travail à deux, avec la personne (ou avec un groupe).
Il s'agit, en continu, de faire l'aller et retour entre la position de facilitateur de la relation et d'observateur (sur le fonds et la forme) de deux personnes en train d'échanger.
Ce qui est une ambiguïté très lourde à assumer et pourtant incontournable.
Cette qualité pour un permacomptable, celle de cette écoute intérieure en "aller et retour", est très exigeante et oblige à une ascèse puissante quand il s'agit d'être à l'écoute de la vision de l'organisation accompagnée et que l'interaction "à deux" ait lieu.
En effet, pour que la compréhension de l'autre se produise, il devient nécessaire de mettre de côté sa propre perception (idem pour l'accompagné chez qui la position Méta intervient à l'étape boussole 8K) et de croire dans l'authenticité et la logique de celui-ci.
Cette qualité de Méta-communication peut être illustrée par l'image de la toupie capable de tout voir et en même temps de ne rien faire, en étant simplement dans une qualité d'être.
Les incidences de cette position Méta
Plus qu'une méthode, c'est un véritable état d'esprit et une autre manière d'être.
La position Méta est une posture qui ouvre sur le partage et la coopération entre les personnes, non remplaçable par un compromis dans la recherche d'un accord sur une perception.
Le travail interindividuel d'un permacomptable se situe au sein du cercle de l'accompagné, il est orienté vers un partage sincère et authentique, réciproque, gage de progression du bénéficiaire dans son cahier des charges de pilotage 8K.
Ces échanges sensibles se font, exprimés par le permacomptable, comme une invitation aux accompagnés de donner davantage de "profondeur" à leurs situations (là où il en sont).
Le moment n'est pas systématiquement défini, le permacomptable pilote l'entretien en intelligence de situation.
Il en va de même pour un responsable d'entreprise dans le développement d'une vision avec ses collaborateurs qui n'a de sens que si elle est partagée, et davantage encore si celui-ci souhaite mettre en œuvre une Intelligence Collective dans son Organisation.
Ainsi un permanager, dans ses réunions d'équipe, pourra t'il donner une place à des feedbacks pour chaque membre, ou bien interpeller chacun sur sa vision des options opérationnelles ou des prises de décision.
Enfin il est possible de dire que chaque acte de management posé par un manager (régulation d'équipe, résolution de conflit, prise décision, délégation,…) l'oblige à faire référence à la Méta-communication.
Et peu de responsable l'ont intégrée car elle est vue comme l'acquisition rigoureuse (mais non mécanisée) d'un modèle de vie.
Pour en savoir plus, nous contacter sur www.designpermacomptable.com
.............................................................................................................
* Aller plus loin sur le mode mental adaptatif :
Qu'est-ce que le mental adaptatif ?
Dans un article publié en 2014 dans Médecine/Sciences, intitulé « Rôle du cortex préfrontal dans l’adaptation comportementale chez l’homme », Emmanuelle VOLLE et Richard LEVY expliquent que l’être humain « …est capable d’adapter son comportement en fonction du contexte, de ses besoins, et des buts qu’il poursuit. Il est en mesure d’élaborer et de planifier des actions nouvelles et complexes, et de les modifier de façon flexible lorsque les circonstances changent. Ces capacités mentales permettent l’adaptation de l’homme à un monde complexe et changeant, et dépendent de l’intégrité du tiers antérieur du cerveau : les lobes frontaux. L’adaptation comportementale résulte d’une balance entre les comportements automatiques ou routiniers, qui demandent peu d’effort cognitif, et les comportements volontaires et contrôlés, qui réclament plus de ressources. Les comportements automatiques conviennent aux situations habituelles et bien connues pour lesquelles nous avons des schémas d’action préétablis (par exemple, conduire sur un trajet quotidien). Dans des situations nouvelles, changeantes, ou lorsque les comportements habituels ne sont pas appropriés, l’adaptation nécessite de changer de comportement, et parfois d’en générer de nouveaux (par exemple, conduire vers une destination pour la première fois). Les capacités mentales requises dans ces situations appartiennent aux fonctions dites exécutives. ».
Ainsi, en plus d’automatismes économes, l’évolution a doté notre cerveau d’une grande capacité d’adaptation. Une neuro-agilité, en quelque sorte. Nous tenons là nos deux modes mentaux.
L’Approche Neurocognitive et Comportementale distingue six dimensions du mode mental adaptatif. Ce sont des paliers dans le processus de prise de décision, qui définissent la nature du traitement de l’information relative à une situation :
La curiosité
C’est la capacité à rechercher de manière active, exploratoire et sensorielle la nouveauté ; l’esprit de découverte ; la quête active de l’autre, de la différence ou de l’exotisme.
Elle s’oppose à la routine qui aime les habitudes, le connu et se tient à distance de la nouveauté et de l’inconnu.
La souplesse
C’est la capacité à s’ouvrir physiquement et mentalement à l’imprévu ; à accepter la survenance d’événements qui dérangent ; à accepter la réalité, toute la réalité, sans pour autant s’y soumettre ou s’y résigner.
Elle s’oppose à la persévérance qui va chercher obstinément à atteindre un objectif malgré les écueils ou à résister à un changement inéluctable.
La nuance
C’est la capacité à concevoir les intermédiaires, le positif à côté du négatif, les avantages cachés sous les inconvénients, et vice-versa ; à avoir une perception du caractère infiniment complexe et mouvant des relations entre éléments.
Elle s’oppose à la simplification qui ne s’embarrasse pas des nuances ou de la complexité pour préférer la facilité et la rapidité de décision.
La relativité
C’est la capacité de prendre conscience que chacun porte son propre regard sur les choses, que toutes les visions – y compris la sienne – sont relatives et limitées par rapport au réel, que la perception spontanée de ce que l’on voit n’est pas la réalité entière.
Elle s’oppose à la certitude, qui est la conviction enracinée que notre vision personnelle du monde représente infailliblement la réalité.
La rationalité
C’est la capacité à rechercher activement la compréhension des mécanismes cachés qui animent le monde ; le sentiment que tout pourrait se comprendre, qu’il y a des causes sous les éléments visibles ; c’est vivre la logique comme un « regard », un sixième sens qui perce les mystères des sensations.
Elle s’oppose à l’empirisme qui recherche les recettes qui marchent et la reproduction des expériences déjà vécues, sans « prise de tête ». Si ça a marché, alors ça va marcher. Et si ça ne marche pas, c’est qu’il faut en faire plus pour que ça marche.
L’opinion personnelle
C’est la construction d’une opinion ni soumise, ni réactive au regard des autres. Si l’on cherche l’opinion ou les ressentis des autres, c’est pour enrichir son propre point de vue, et non par crainte du jugement. Sans peur du regard des autres ni esprit de fierté, son opinion s’exprime même si elle diverge de celle des autres. Le risque d’erreur est assumé car il est inhérent à toute décision.
A l’opposé, l’image sociale est le joug du regard et du jugement des autres, qui aligne son opinion à ce qui est acceptable socialement par le groupe.
Les caractéristiques du mode mental adaptatif
Le mode mental adaptatif a des caractéristiques bien particulières qui lui confèrent une grande agilité pour le changement et la transformation :
Il est capable d’apprentissage en continu ;
La majeure partie de son travail est inconscient, même s’il peut accéder à la conscience. De façon générale, il peut utiliser les ressources du mode mental automatique, mais peut aussi les inhiber (et donc nous permettre de résister aux biais cognitifs du mode mental automatique).
Quand le mode mental adaptatif prend les commandes, le ressenti est le calme ou la sérénité. Une étude conduite en 2005 par Sara LAZAR et ses collègues a d’ailleurs établi une relation entre la pratique régulière de la méditation et la densité de connexions neuronales au niveau du cortex préfrontal gauche. Le cerveau peut se muscler, même à un âge avancé.
Mais ses capacités ne sont pleinement effectives que lorsque le cerveau est mature, et le moins que l’on puisse dire est qu’il prend son temps : deux à trois décennies.
Face au changement ou à la transformation, la grande différence entre les deux modes mentaux est que seul l’adaptatif atteint rapidement la case acception pour rebondir vers une exploration appréciative ou piétiner dans la procrastination, tandis que le mode automatique est capable d’une très grande variété de postures et de comportements qui vont du stress au déni en passant par le bouillonnement émotionnel et une action inefficace destinée à se donner l’illusion d’un contrôle, dans la glue d’une ingénierie du consentement ou dans la résistance.
Comments