Charles Judes, Janvier 2025

Dans un monde où les déséquilibres économiques et sociaux se creusent de manière alarmante, l’aspiration à un autre modèle de société semble, à première vue, irréaliste, voire utopique. Pourtant, c’est dans ces moments de basculement que les utopies, souvent reléguées au domaine de l'idéalisme, deviennent plus que jamais des nécessités radicales. Prenons l’exemple des forces politiques actuelles, qui semblent ancrées dans des logiques de domination, de violence et de consumérisme aveugle : des leaders comme Donald Trump, par exemple, qui n'hésitent pas à utiliser la violence pour préserver un modèle où la diversité et l’harmonie sont mises à mal.
Face à ces structures de pouvoir et à une économie mondiale qui privilégie la croissance à tout prix, souvent au détriment de la planète et de l'humain, il peut être tentant de se résigner. Mais n’est-ce pas précisément dans ces moments où les systèmes actuels semblent inébranlables qu’il est essentiel de redéfinir nos priorités, de remettre en question ce qui nous est imposé, et d’embrasser l'utopie non pas comme un fantasme mais comme une boussole pour naviguer dans le chaos ?
L’Utopie n’est pas une Fantaisie, mais un Appel à la Révolution de la Conscience
L’utopie, lorsqu’elle est vue sous l'angle du fétichisme de la marchandise (concept de Karl Marx, voir : https://fr.m.wikipedia.org/wiki/F%C3%A9tichisme_de_la_marchandise) et de l’économie capitaliste, semble effectivement déconnectée de la réalité immédiate. Ce fétichisme — ce processus où les objets prennent une valeur en eux-mêmes, indépendamment de l'humain qui les a produits — incarne tout ce qui nous éloigne d'une société réellement durable. Il s’agit d’un système où les richesses sont concentrées dans les mains de quelques multinationales, dictant les règles du commerce mondial, et où l’imaginaire collectif est façonné par des normes financières et institutionnelles qui, sans scrupule, continuent d'alimenter une croissance débridée.

Dans ce contexte, il est facile de croire que l'idée d’un monde fondé sur la diversité, la coopération et le respect du vivant est utopique. Comment espérer une transformation de fond dans un monde où la violence est instrumentalisée pour maintenir des rapports de force et d'inégalités, où des figures comme Trump misent sur la peur, la division et l’exclusion, au détriment de l’harmonie et de l’unité ?

Cependant, c’est précisément là que réside la puissance des utopies. Elles ne sont pas une fuite dans un monde imaginaire, mais un projet concret pour réimaginer nos rapports à la société, à l’économie, et à notre environnement. Elles sont le reflet de nos aspirations les plus profondes : l’espoir d’un monde où la nature et l’humain sont au cœur du système, où l’économie se sert de la richesse de l’humanité pour nourrir le vivant, et non pour l’écraser.
Les Forces du Changement : Les Leviers de Domination et les Alternatives

Pour comprendre comment transformer ces utopies en réalités, il convient de comprendre les leviers de domination actuels et les forces qui les sous-tendent. Les grandes multinationales, par exemple, jouent un rôle majeur dans la concentration des richesses. Elles imposent des normes qui favorisent des pratiques de consommation voraces et déconnectées des besoins réels de l’humanité et de la planète. Le capitalisme global, dans sa forme actuelle, fonctionne principalement en imposant des structures qui perpétuent l’idée de la croissance infinie, sans tenir compte des coûts écologiques et sociaux.
Cela crée une tension fondamentale : d'un côté, un système qui semble invincible, avec des multinationales qui contrôlent les règles du jeu économique ; de l’autre, une prise de conscience croissante que ce système mène l’humanité droit dans le mur, en exploitant la planète et ses habitants au nom d’une croissance aveugle.
Les normes financières et institutionnelles actuelles, qui favorisent une logique de rentabilité immédiate au détriment de l'éthique ou de la durabilité, continuent de façonner les décisions politiques et économiques mondiales. Elles sont conçues pour perpétuer un modèle où la compétition prime sur la coopération, où les grandes entreprises dictent les règles du marché tout en masquant les véritables impacts de leurs actions.
À l’opposé de ce modèle, l’idée de la permacomptabilité — cette approche systémique et holistique qui cherche à intégrer les dimensions écologiques et éthiques dans les processus économiques et décisionnels — se présente comme une alternative radicale. Elle incarne l'idée que l'économie doit être au service de la vie, et non un facteur d’exploitation ou de destruction.

Ce qui semble utopique aujourd'hui pourrait être la réalité de demain
Ainsi, face à des forces de domination qui semblent à la fois infiniment puissantes et insurmontables, l’utopie d’un monde fondé sur le respect de la nature et la justice sociale n’est pas une simple fantaisie.
Elle est, au contraire, un besoin urgent et une voie nécessaire pour réorienter le cours de notre histoire.
Il est essentiel de comprendre que ce qui est perçu comme une utopie aujourd’hui pourrait bien devenir la norme de demain, comme cela a été le cas pour les nombreuses révolutions sociales qui ont modelé l’histoire humaine.
Si l’on regarde les grands progrès réalisés dans les domaines des droits humains, des libertés individuelles et de la conscience écologique, on peut voir que des idées jadis considérées comme utopiques, comme l’abolition de l’esclavage ou la reconnaissance des droits des femmes, sont aujourd’hui des réalités incontestées.

Ce même processus de transformation peut se produire pour les systèmes économiques et sociaux qui régissent actuellement notre monde.
L’utopie n’est donc pas un rêve hors de portée, mais un appel à l’action. Elle devient la boussole d’une humanité qui cherche à se libérer des chaînes du consumérisme, de la violence et de l'exploitation, pour se tourner vers un avenir plus juste, plus diversifié et plus harmonieux.
Les Récits Invisibles qui Tissent des Liens
Pour chaque discours de haine ou de violence, pour chaque politique divisive ou destructrice, il existe une multitude de récits invisibles qui travaillent à transformer le monde. Comme évoquées dans le livre "Révolution bleue" de Jean-Pierre Goux, ce sont ces histoires d’alternatives silencieuses mais puissantes : des communautés qui cultivent des pratiques éthiques, des entreprises qui développent des modèles basés sur la justice sociale, des individus qui réinventent leur rapport à la consommation et à la nature.

Ces récits ne sont pas toujours visibles dans les grands médias, et ils ne sont pas toujours accompagnés de grandes déclarations politiques ou économiques. Mais leur influence est profonde et grandissante. Ce sont eux qui, à travers des actions quotidiennes, des choix de consommation, des innovations locales, forgent les bases d’une société plus respectueuse du vivant.
Le changement, en fin de compte, n’est pas seulement une question de grandes réformes politiques ou économiques. C’est aussi, et peut-être surtout, une question de culture. Il s’agit de réécrire les récits qui nous façonnent et de redéfinir ce qui est possible. Dans un monde où la violence et la division sont exploitées pour maintenir l’ordre établi, l’utopie devient une arme puissante. Ce qui semble utopique aujourd’hui peut devenir la réalité de demain, si nous persistons, si nous nous enracinons dans cette vision d’un monde plus juste et plus équilibré.
Ainsi, la permacomptabilité, loin d'être une simple méthode économique, devient un modèle de transformation de la société. Un modèle qui vise à reconnecter l'humain avec la nature, à dépasser les logiques destructrices du capitalisme actuel et à ouvrir la voie à un avenir plus harmonieux et durable.
"Face à un monde où des leaders comme Trump exploitent la violence, alimentent les divisions et priorisent la domination sur l'harmonie, l'idée d'un système fondé sur la diversité, la coopération et le respect du vivant peut sembler utopique, voire naïve. Mais n'est-ce pas précisément dans ces moments de basculement que les utopies deviennent des nécessités radicales ? Ce qui est présenté comme une utopie aujourd'hui est souvent la boussole d'une humanité qui cherche son chemin dans le chaos. Ce n'est pas une question de faisabilité immédiate, mais de persistance face à des structures de pouvoir qui, elles aussi, ne sont pas éternelles. Pour chaque discours de haine ou de violence, il y a des milliers de récits invisibles qui tissent des liens, cultivent des alternatives et plantent les graines d'un futur différent." - Charles Judes
Signez l'appel de la Permacomptabilité : https://www.designpermacomptable.com/manifestepermacomptabilit%C3%A9
Et pour aller plus loin sur le fonds de cet article :
Karl Marx, Le Capital, Volume I (1867)
Michel Onfray, Le fétiche et la marchandise (2019)
David Harvey, La Condition postmoderne (1989) disponible en pdf ici
Marilyn Waring, If Women Counted (1988)
Yves Citton, L’Économie de l’attention (2014)
Félix Guattari, Les trois écologies (1989)
Pierre Bourdieu, La Distinction (1979)
John Holloway, Changer le monde sans prendre le pouvoir (2002)
Vandana Shiva, La vie n'est pas une marchandise (2004)
Elinor Ostrom, Gouvernance des biens communs (1990) résumé ici
Tim Jackson, Prospérité sans croissance (2009)
George Monbiot, How Did We Get into This Mess? (2016)
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